無 - wú, mu
Un jour, alors qu'un bonze frappait le gong en bois du monastère, Wumen Hyukai eut l'Illumination. Il composa à cette occasion le poème suivant :
Wú ! Wú ! Wú ! Wú ! Wú !
Wú ! Wú ! Wú ! Wú ! Wú !
Wú ! Wú ! Wú ! Wú ! Wú !
Wú ! Wú ! Wú ! Wú ! Wú !
Wú ! Wú ! Wú ! Wú ! Wú !
Wú ! Wú ! Wú ! Wú ! Wú !
Wú ! Wú ! Wú ! Wú ! Wú !
Wú en chinois et Mu en japonais sont des mots privatifs habituellement traduits par "sans" ou "non-". Ils correspondent aussi à des concepts essentiels du taoïsme, du bouddhisme Chan (en Chine) et du bouddhisme Zen (au Japon).
Le mot est particulièrement connu comme réponse à certains kôans. Les kôans (gong'an 公案 en chinois) sont de courtes histoires le plus souvent absurdes et fréquemment cryptiques rapportant divers enseignements Zen. Dans un kôan, répondre wú! ou mu! signifie en substance que les termes mêmes dans lesquels la question est posée interdisent une réponse juste. Dans le bouddhisme Chan, il existe bien des façons de répondre wu sans utiliser le mot. "Un disciple de Wumen lui demanda un jour :
- Oui, répondit Wumen, les petits pains au lait !"
cité dans Taïkan Jyoji, L'art du kôan zen
Les bouddhismes Chan et Zen puisent une part de leur inspiration dans l'un des ouvrages fondateurs du taoïsme, attribué à Zhuangzi qui vécut quatre siècle avant J.-C. On y trouve fréquemment évoqué le wu wei (無為), souvent traduit par "vide", "non-agir" ou "inaction". Zhuangzi évoque aussi longuement l'écart irréductible qui sépare le langage de la réalité qu'il prétend saisir. Et de s'exclamer : "Ah ! si je connaissais un homme qui oublie le langage, pour avoir à qui parler !" (XXVI.k, traduit par J.F. Billeter)